Un film de Xavier Christiaens
Et si, revenant de son voyage dans le temps, Ulysse n’avait retrouvé du monde et de sa vie que des bribes indéchiffrables, des pièces rompues, des paysages mouvants et sombres, des souvenirs griffus comme des échardes ? C’est à peine si sa propre chambre lui est restée familière, avec sa télévision toujours allumée, la cuisinière, la fenêtre, et puis sa femme qui dort. Tout autour s’est organisé un désordre troublant où les yeux et les oreilles semblent toujours en attente, comme prisonniers de ces fragments d’un réel si tenace, obtus, incontournable et cependant mensonger, fuyant, opaque. Alors sans doute, le spectateur de La Chamelle blanche pressent ce qu’être « étranger au monde » veut dire, comme poids de solitude sans doute, mais aussi comme tension de découverte, comme envie de retrouver son passé, comme désir de trouver une place viable. Peu de choses pourtant viendront à son secours. Un camion s’enfonce dans le paysage comme un bateau dans la mer. Une femme en robe à fleurs se baigne dans une mer de sang. Un enfant nous regarde de ses yeux étonnés. Il y a sur le sol, la carcasse tordue d’une étrange machine soviétique. Xavier Christiaens
aura inventé là une nouvelle façon de se souvenir, de remonter le temps par à-coups singuliers, par lames de fond, par « apparitions » négatives, ravalant le passé comme une chanson que l’on dirait à l’envers. Et sans doute y a-t-il dans son film quelque chose d’un peu monstrueux. C’est là le fait de toutes les œuvres fortes, qui ne laissent pas le spectateur en repos. Mais quelle récompense aussi, lorsqu’au détour de ce chemin abrupt apparaissent régulièrement des moments d’une grâce dont on n’aurait pas même osé rêver. Il y a dans La Chamelle blanche des « apparitions » comme on en voit peu au cinéma.
(Olivier Smolders)
Ce film est disponible uniquement au sein du coffret Xavier Christiaens.
2006 | 52 MIN | NOIR ET BLANC | 4/3 | INTERTITRES FRANÇAIS, ANGLAIS
Extrait du film :
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